Décliner les paiements européens au féminin est un objectif stratégique de FRANCE PAYMENTS FORUM. L’ambition : mettre en lumière les femmes talentueuses du monde des paiements. Notre série de portrait-interview de ces femmes actives et engagées démarre sur le règlement MiCA.

Nadia Domec, CEO de PayInnov, experte des crypto-actifs

➡️ EWPF : Pouvez-vous nous présenter votre parcours dans les grandes lignes et nous dire comment vous êtes arrivée à aborder les cryptos-actifs?

Nadia Domec : Je suis passionnée par la monétique depuis plus de 30 ans. Ingénieur de formation, j’ai pu participer et contribuer à un certain nombre d’évolutions majeures dans ce domaine : depuis l’avènement de la carte à puce jusqu’au paiement sur Internet en passant par le premier paiement sur mobile en 2000 avec le projet « Iti-Achat ».

En 2019, j’ai revendu avec succès ma première société Datronic, un acteur majeur des logiciels de caisse et de gestion, spécialisé dans la billetterie de cinéma, la restauration collective et également le Tout Commerce .

Aujourd’hui, je suis Présidente de la start-up PayInnov que j’ai créée en juin 2021 : il s’agit d’un nouveau moyen de paiement qui permet de démocratiser le paiement en crypto-actifs chez nos commerçants à travers la solution Payliko, basée sur la blockchain que nous avons développée. Cela offre aux « Crypto-Enthousiastes » la possibilité de dépenser leurs actifs en ligne et en magasin.

➡️ EWPF  : Le 20 avril dernier, le règlement européen sur les marchés de Crypto-actifs MiCA « Market in Crypto Assets » a été adopté par le Parlement européen, pouvez-vous nous en dire plus ? Qu’est-ce qu’un règlement européen ? Quel est son périmètre d’application ?

N.D : Un règlement européen est un cadre réglementaire complet qui constitue un atout pour l’Europe. MiCA, c’est de la visibilité pour les entreprises, l’accès équitable à un marché dont les règles sont unifiées et un gage de confiance pour interagir sur les marchés de crypto-actifs.

Un règlement européen est différent d’une directive européenne, le règlement s’appliquant d’office à tous les États : sa transposition en droit national se fait automatiquement.

Le règlement MiCA protégera les investisseurs en renforçant la transparence et en mettant en place un cadre global pour les émetteurs et les prestataires de services sur actifs numériques. Ceci assurera également le respect des règles en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux.

Ce règlement s’applique à 3 typologies d’émetteurs respectivement pour les jetons utilitaires, les jetons se référant à des actifs et les « Crypto-monnaies dites Stables » (stablecoins). Les prestataires de services tels que les plates-formes de négociation et les portefeuilles où sont détenus les crypto‑actifs sont également couverts par ce règlement. Ce cadre réglementaire vise aussi à préserver la stabilité financière, tout en permettant l’innovation et en favorisant l’attractivité du secteur des crypto‑actifs.

Avec ce cadre réglementaire harmonisé l’Europe se positionne clairement sur ce marché mondial des crypto-monnaies. Ceci constitue aussi une amélioration par rapport à la situation actuelle où des législations nationales commençaient à fleurir dans différents États membres, ce qui n’aurait pas manquer à terme de fragmenter le marché européen et donc de l’affaiblir.

➡️ EWPF  : Quelles sont les prochaines étapes ?

N.D : la prochaine étape législative pour MiCA est d’être publié au Journal officiel de l’Union européenne. Ces nouvelles règles sur le secteur des actifs numériques entreront en vigueur dans un délai d’environ 1 an. Soit autour du mois de mai 2024.

➡️ EWPF  : Quelles seraient les forces et les faiblesses de la mise en application de MiCA ?

N.D : MiCA marque un tournant décisif pour la réglementation des crypto-actifs en Europe, offrant aux opérateurs la possibilité de se démarquer de leurs concurrents internationaux grâce à leur engagement en faveur d’un environnement sécurisé pour l’adoption du web3. Les faiblesses en revanche pour l’écosystème Crypto est de trop réguler et de ne pas laisser les tests se faire et le marché en décider.

➡️ EWPF  : pour reprendre la formule de Christine Lagarde, présidente de la BCE « qu’en est-il de MiCA 2 ? »

N.D : «MiCA 2 devrait règlementer les activités des crypto-actifs qui font des prêts. Il y a aussi la question de la finance décentralisée qui se concentre sur des intermédiaires financiers et lorsqu’il n’y a pas d’intermédiaire financier de ce type, la législation ne s’applique pas, c’est le cas pour les bitcoins qui ne seraient pas couverts par Mica 1. Nous espérons que MiCA 2 en tiendra compte. MiCA 2 devrait règlementer les questions des crypto-actifs lorsqu’il n’y a pas d’émetteurs identifiables, c’est le cas pour le bitcoin », précise Christine Lagarde.

Lire l’intégralité de l’intervention de la Présidente de la BCE sur MiCA.

Pour la Présidente de la BCE, MiCA aurait « une portée plus large » qui permettrait de règlementer « ce territoire inexploré qui met les consommateurs en danger« .

➡️ EWPF  : le 3 avril dernier, l’ACPR a lancé une consultation publique à destination des acteurs de l’industrie crypto, cette consultation s’est achevée le 19 mai. Que peut-on attendre des résultats ? Quelle en sera l’utilité pour l’ACPR ?

N.D : Pour justifier sa démarche, l’ACPR met égale-ment en avant les fragilités de l’écosystème après la succession de faillites – comme celles de Terra Luna ou de FTX, respectivement en juillet et en novembre 2022.

En effet, rédigé après une série d’entretiens auprès d’acteurs de l’écosystème, le document de réflexion avance plusieurs pistes possibles de réglementation. Celles-ci portent sur les trois grandes strates de la finance décentralisée (2) :

– S’assurer de la résilience des infrastructures blockchain qui servent de base à la finance décentralisée, par exemple en imposant des standards de sécurité et en limitant les risques de concentration des capacités de validation des transactions dans la main de quelques acteurs ;

– Renforcer la sécurité des automates exécuteurs de clauses (SmartContracts), via un mécanisme de certification portant sur la sécurité du code informatique, la nature du service fourni ou encore la gouvernance ;

– Mieux encadrer la fourniture de services et l’accès des utilisateurs à ces services, par exemple en instaurant un cadre de contrôle renforcé des intermédiaires qui assurent en pratique l’accès des utilisateurs aux services de la finance décentralisée2. Nous avons pris connaissance avec intérêt de la réponse de Paris-Europlace à cette consultation, en attendant de lire les autres réponses ainsi que la synthèse que l’ACPR pourrait en établir.

Pour conclure, en tant que femme, je serais très heureuse de voir plus de femmes œuvrer et s’investir sur ce sujet des cryptos et des blockchains car pour moi c’est l’avenir de nos paiements qui est en jeu.

Aujourd’hui, ce domaine est complètement « squeezé » par le trading et l’ambition de ramener cette manne dans la vraie vie, c’est un vrai challenge que nous pouvons relever ensemble.

Propos recueillis par Virginie Mainczyk.

(2)20230403_finance_decentralisee_desintermediee_fr.pdf (banque-france.fr)


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