La Directrice Générale Adjointe de la Commission Européenne et DF de la FISMA a ouvert les Rencontres de FRANCE PAYMENTS FORUM, le 29 juin dernier, à l’Automobile Club de France.

Découvrez son discours :

« Mesdames, Messieurs,

Je tiens à remercier vivement le France Payments Forum d’avoir organisé cette conférence sur l’Europe des Services de Paiement Numériques.

Permettez-moi de féliciter les organisateurs pour le brillant timing de la conférence annuelle 2023.

En effet, nous sommes au lendemain d’un jour important pour le secteur européen des paiements, celui de l’adoption par la Commission européenne d’un paquet de plusieurs propositions législatives : une directive d’un règlement qui remplace l’actuelle DSP2 et la directive sur la monnaie électronique. La troisième initiative concerne le cadre et les modalités de l’euro numérique, la quatrième porte sur l’accès et l’acceptation du cash.

Une cinquième proposition – même si elle concerne moins les paiements – porte sur l’accès aux données financières, la proposition « financial data access ».

Ce paquet constitue un tournant pour le secteur de paiement, un moment de modernisation et d’adaptation des paiements à un monde toujours plus numérisé.

Mesdames et Messieurs,

Inutile de rappeler devant vous l’importance des paiements électroniques Européennes. Ceux-ci ont atteint une valeur de 240.000 milliards d’euro en 2021 dans l’Union européenne, pour 143 milliards d’opérations, un chiffre toujours en croissance, accélérée par la pandémie.

Une des évolutions principales depuis l’entrée en vigueur de la DSP2 en 2015 a été le développement des virements instantanés en euro.

Ceux-ci ont fait l’objet d’une autre proposition législative l’année dernière, premier acte de mise en œuvre de la stratégie de la Commission sur les paiements de détail, adoptée en 2020. Le but de cette proposition, encore en négociation, mais assez proche de son adoption finale, est de promouvoir l’offre de virements instantanés, afin d’en améliorer la demande.

Le paquet d’hier complète cette initiative. Je passerai en revue les différents composants et leurs éléments principaux.

Révision de la DSP2

Pourquoi une révision de la DSP2 ?

Il est important de dire que cette révision présente une évolution et pas une révolution.

Notre analyse de la DSP2 a montré qu’en dépit des succès importants, comme la réduction de la fraude grâce à l’authentification forte, et le développement important de l’open banking, des améliorations et ajustements étaient indispensables pour achever un régime Européen qui tient compte des défis actuels.

Notre proposition de réforme est axée autour de quatre éléments principaux :

  • Premièrement, la lutte contre la fraude. En dépit du Strong Customer Authentication la fraude est malheureusement en hausse, en particulier la fraude dans laquelle la victime est manipulée pour la faire effectuer un virement à un compte frauduleux.

Nous proposons un ensemble de mesures :

  • Une généralisation à tous les virements en toutes devises de l’Union du système de vérification entre l’IBAN et le nom du destinataire déjà proposé dans le texte législatif sur les virements instantanés en euro;
  • Une obligation des prestataires de services de paiement d’accroître l’information de leurs clients sur la fraude;
  • Une base juridique pour que les prestataires de services de paiement puissent s’échanger de l’information en matière de fraude sans enfreindre les règles sur la protection des données personnelles;
  • Un droit au remboursement des virements frauduleux dans certains cas spécifiques et à certaines conditions.

Nous sommes optimistes qu’une tel ensemble des mesures va minimiser la fraude.

  • Ensuite, nous souhaitons assurer un niveau de concurrence loyal entre les banques et les autres acteurs des paiements. Nous proposons un renforcement des droits des institutions de paiement en ce qui concerne l’ouverture d’un compte bancaire, et la possibilité pour tous les prestataires de services de paiement d’avoir un accès direct à tous les systèmes de paiement, à condition bien sûr de se soumettre à un examen des risques et de respecter les règles du système ;
  • Troisième axe : l’amélioration du fonctionnement de l’open banking, avec des exigences plus strictes et plus claires sur les interfaces d’accès aux données, notamment sur les obstacles qui ne devraient plus être imposées aux fintechs.

Nous proposons en contrepartie de lever l’exigence systématique imposée aux banques par la DSP2 de maintenir en permanence deux interfaces d’accès aux données.

  • Finalement, une meilleure application des règles, avec la transformation de la plupart des règles de la DSP2 en un règlement directement applicable, et des dispositions renforcées sur les sanctions et pénalités.

À ces quatre axes s’ajoutent autres propositions :

  • Faciliter la distribution du cash, avec la possibilité pour les commerçants de fournir du cash sans obligation d’achat, et des règles plus claires et plus souples pour les gestionnaires des réseaux de distributeurs d’argent. Ces mesures vont de pair avec la proposition législative sur la disponibilité et l’acceptation du cash;
  • Plus d’information et de droits pour les consommateurs, par exemple en matière de blocage de fonds ou pour les virements à un destinataire hors Union européenne.
  • Une simplification règlementaire, avec la fusion du statut des institutions de monnaie électronique et des institutions de paiement.

Toutes ces propositions s’articulent avec la nouvelle proposition FIDA, proposition qui étend le régime de la DSP2 à une série d’autres services financiers. Cette proposition ne portant pas sur les paiements, je ne vais pas vous la présenter aujourd´hui.

L’Euro numérique

Je vais maintenant passer à l’euro numérique, un projet qui suscite à juste titre un grand intérêt.

Bien que toujours répandue, l’utilisation des billets et pièces en euros a diminué au cours de la dernière décennie en raison des progrès de la numérisation et de l’évolution des préférences des consommateurs.

Cette tendance risque de réduire le rôle de l’argent public dans les paiements et l’économie dans son ensemble, ce qui pourrait entraîner des conséquences sur la confiance dans le système financier.

En effet, la confiance dans la monnaie de banque commerciale dépend en partie de la capacité des citoyens à convertir leurs dépôts en monnaie de banque centrale, c’est-à-dire actuellement en espèces. Si l’argent liquide venait progressivement à disparaître, cet ancrage monétaire et, partant, la confiance envers le système financier risque de s’éroder.

Quel est l’objectif de nos propositions législatives sur l’euro numérique et le cours légal des espèces ?

Notre paquet législatif répond à trois impératifs.

Premièrement, nous voulons que l’euro numérique offre une option de paiement supplémentaire et inclusive aux citoyens et aux entreprises, qui pourraient choisir de payer par voie électronique en monnaie de banque centrale. Il s’agit d’augmenter les choix des citoyens et des entreprises.

Deuxièmement, nous voulons garantir la disponibilité et l’acceptation de l’argent liquide. En ce sens, l’introduction d’un euro numérique vise à compléter et non à remplacer les moyens de paiement en espèces ou privés.

Troisièmement, nous voulons protéger le rôle de l’euro tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la zone euro, c’est-à-dire au niveau international.

Quels en sont les bénéfices de l’euro numérique ?

L’un des principaux avantages d’un euro numérique est son caractère paneuropéen.

Les citoyens pourront payer avec un euro numérique de la même manière dans n’importe quel État membre de la zone euro, comme c’est aujourd’hui le cas avec les pièces et billets émis par la Banque centrale européenne.

Aujourd’hui, les systèmes de paiement nationaux ne fonctionnent souvent qu’à l’intérieur des frontières nationales. Si vous vous rendez à l’étranger, vous devez utiliser les systèmes de cartes internationaux pour que vos paiements soient acceptés. L’euro numérique vise à résoudre ce problème.

Notre intention est que les solutions de paiement nationales dans l’Union européenne bénéficient d’une cette dimension paneuropéenne en garantissant leur interopérabilité avec l’euro numérique. De cette manière, les solutions nationales de paiement privé pourraient encore améliorer et étendre leurs services dans l’ensemble de la zone euro.

Deuxièmement, l’euro numérique devrait permettre des paiements de proximité hors ligne, qui constitueraient un service unique susceptible d’atteindre un niveau élevé de protection de la vie privée.

Les transactions numériques hors ligne en euros s’apparentent étroitement aux espèces, ce qui justifierait que ces transactions ne sont absolument pas traçables.

Nous avons pleinement conscience que le respect de la vie privée est une préoccupation majeure pour les citoyens.

Notre intention est de s’assurer le traitement des données personnelles soit soumis à des mesures strictes de protection de la vie privée de manière que la BCE ou les banques centrales nationales ne soient pas en mesure d’identifier l’utilisateur numérique de l’euro, leurs avoirs ou les transactions qu’ils effectuent.

Troisièmement, les services de base d’un euro numérique devraient être accessibles gratuitement aux citoyens. Cela favoriserait l’inclusion financière, qui est une dimension importante du projet d’euro numérique.

Quels sont les défis?

Si l’euro numérique comporte indéniablement un certain nombre d’avantages que je viens d’énumérer, il comporte également un certain nombre de défis.

Premièrement, il est impératif de présenter une solution en cas de réduction significative des dépôts bancaires en faveur de l’euro numérique. Les banques peuvent être confrontées à des difficultés de liquidité et supporter des coûts de financement plus élevés. Cela pourrait entraîner une diminution de la disponibilité du crédit pour l’économie. Ces risques militent pour que la BCE se dote d’instruments pour limiter la détention d’euro numérique, ce que nous prévoyons dans notre proposition de règlement.

Deuxièmement, la juste rémunération des prestataires de service de paiement.

La mise en œuvre de l’euro numérique exigera des prestataires de services de paiement qu’ils investissent dans la mise en place des systèmes et processus nécessaires pour distribuer l’euro numérique. En outre, ils devraient offrir gratuitement des services numériques de base en euros aux particuliers.

Pour indemniser les prestataires de services de paiement pour ces investissements et ces services, il est essentiel de mettre en place une structure de frais équitable, qui permette une juste rémunération des prestataires de paiement mais aussi ne conduisent pas à une « sur-tarification » des commerçants. Nous entendons veiller à ce que les commissions imposées aux commerçants soient raisonnables. L’euro numérique devrait avoir cours légal, ce qui signifie que les commerçants seront généralement tenus d’accepter les paiements numériques en euros, à quelques exceptions près en application du principe de proportionnalité. En raison du pouvoir de négociation limité des commerçants lors de la négociation des conditions des services de paiement numérique en euros avec les prestataires de services de paiement, en particulier pour les petits commerçants, il existe un risque de les exposer à des frais disproportionnés. Et ce risque doit être évité, en encadrant la manière dont les commissions sont fixées. Le règlement établit une méthodologie qui permettra à la BCE de publier les montants maximaux de commission.

Mesdames, Messieurs,

Les initiatives que je viens de vous présenter sommairement sont importantes. Mais elles sont également calibrées pour éviter des coûts non-justifiables et des bouleversements inutiles dans le secteur des paiements. Elles visent à amener notre cadre règlementaire dans une nouvelle ère. J’espère que vous y trouvez les réponses à vos attentes.

Je vous remercie.