Et FRANCE PAYMENTS FORUM a mis en avant depuis de très nombreuses années plusieurs grands messages clés :
– D’abord un constat clé, que tout le monde peut faire : l’Europe souffre d’une dépendance aux technologies internationales, sur lesquelles elle a pris un grand retard, et des dépendances à des acteurs internationaux, bien implantés au plan européen, notamment dans les paiements par carte, et d’un manque d’acteurs compétitifs européens et disposant de moyens capitalistiques suffisants permettant d’assurer la mise en place de solutions paneuropéennes. Et son marché des paiements reste très fragmenté, avec des cultures domestiques et historiques parfois très fortes, et avec des systèmes de paiement domestiques très inégaux, que l’on peut classer en trois groupes de pays :
- Des pays bien développés en matière de systèmes de paiement, et qui assurent leur autonomie stratégique, comme la France
- Des pays, totalement dépendant de solutions internationales, et non couvertes, même très partiellement, par des solutions européennes
- Des pays qui résistent mal à l’emprise des acteurs internationaux, ou qui ont concédé une part de leur marché à des acteurs internationaux, et c’est la plus grande part de l’Europe.
La recherche d’une souveraineté dans les paiements est indispensable pour répondre à cette fragmentation et cette emprise internationale, et la publication en septembre 2020 d’une Stratégie européenne dans les paiements a été un point d’inflexion majeure en Europe et d’une prise de conscience, même tardive, de l’enjeu des paiements au plan économique en Europe.
Cependant,
– La Souveraineté ne se décrète pas, elle se gagne, et elle ne peut être totalitaire, au risque de fermer le marché européen, et de le priver des avancées des autres marchés internationaux. Elle vise davantage à assurer une continuité de services et une protection de l’espace européen des paiements en cas de rupture des services internationaux ou d’abus de position dominante par des États ou des solutions non européennes. Encore faut-il préciser ce qu’elle signifie aujourd’hui dans un monde multipolaire et de dépendances croisées, énergétiques et technologiques, pour que les entreprises connaissent leurs obligations et leurs degrés de liberté ; et comment elle répond aux exigences de respect du droit européen et de la protection des revenus, des données et des libertés des citoyens européens, ce qui reste une tâche à faire.
– L’Europe a besoin d’infrastructures européennes dans les paiements pour réduire sa fragmentation et assurer sa souveraineté, mais ces infrastructures ne doivent pas se substituer à des solutions numériques pré existantes, performantes, résilientes et matures, mais visent à les consolider et les étendre là où elles font défaut ou ne sont pas à la hauteur des enjeux sécuritaires et technologies du moment ; elles doivent être créés directement au plan européen pour les activités nouvelles ou innovantes où elles ne sont pas, par nature, préexistantes ;
– L’Europe dispose d’un marché puissant qui alimente les systèmes de paiement, et dispose des moyens de faire vivre des infrastructures privées compétitives et autonomes, mais un partenariat public / privé est indispensable pour consolider ces systèmes européens, même s’il ne peut s’y substituer. Le consensus est le seul moyen de résister à l’armada hautement capitalistique de certains acteurs internationaux, et la coopération d’acteurs européens privés concurrents autour de solutions de place, soutenue par les Pouvoirs publics européens, constitue une arme redoutable pour maintenir la souveraineté européenne.
Ces grands principes étant posés, on peut aisément répondre aux grandes questions et notamment :
– Qu’est-ce que la Souveraineté numérique européenne dans les paiements ?
– Quels sont les besoins ?
– Quelles infrastructures existantes ont-elles vocation à jouer un rôle paneuropéen ?
– Quelles infrastructures nouvelles à créer ?
J’ai déjà par le passé répondu de très nombreuses fois à ces questions au gré de mes interventions, éditoriaux ou lors de nos Rencontres de FRANCE PAYMENTS FORUM, et notamment de notre PAY TECH DAY annuel. Et encore très récemment, notamment dans mon éditorial de mars 2025, intitulé « Les infrastructures européennes de paiement »[1], dans celui de mai 2025 intitulé « La Stratégie européenne des paiements à moyens et long terme »[2], dans celui de juin 2025, intitulé « Les nœuds gordiens de la Souveraineté dans les paiements »[3], et dans mon article de novembre 2025, intitulé « La Souveraineté européenne dans les paiements : un concept à clarifier et une stratégie à développer »[4]. Et si je remonte en arrière, notamment dans mon éditorial de février 2024, intitulé « L’exigence de l’intégration du marché européen des paiements »[5]…
Je rappelle que dans cet éditorial de février 2024, je faisais un historique de la stratégie française des paiements suivie par les banques depuis plus de 35 ans, qui avait l’interbancarité au cœur de son action, et je la comparais aux enjeux et stratégies nationales d’aujourd’hui, pour appeler à dépasser les approches domestiques qui prévalent dans certains pays européens pour aller vers ce que j’appelais un « true SEPA », passant par plusieurs mécanismes clés :
– Une réglementation européenne unique
– Des normes uniques et des schèmes techniques
– Une consolidation des infrastructures domestiques de paiement les plus compétitives et la création des infrastructures manquantes, via des sociétés communes interbancaires
– De grands PSP paneuropéens
Ce qui est aujourd’hui bien engagé avec l’EPC et Wero notamment, mais qui reste à parfaire et généraliser, et cela prendra encore beaucoup de temps.
Et j’insistais sur plusieurs défis majeurs, dont :
(1) La digitalisation des paiements
(2) La résilience des systèmes de paiement
(3) La sécurité des transactions
(4) La concurrence internationale
Et je concluais qu’il y avait « matière à débat sur les enjeux et solutions, voies et moyens pour construire l’espace des paiements européens“. C’est ce débat qu’il faut approfondir.
Dans mon éditorial de mars 2025, intitulé « Les infrastructures européennes de paiement », j’ai dès lors présenté :
- Un rappel historique des stratégies mises en œuvre en Europe en termes de systèmes de paiement,
- Les réponses des banques, et des autres acteurs européens des paiements, aux demandes des Pouvoirs publics
- Le bilan de 25 ans
- Quels besoins d’infrastructures de paiement européennes ?
- Quels risques et quelles réponses ?
- Quels financements ?
- Quels acteurs ?
Dans mon éditorial de mai 2025, intitulé « La stratégie européenne des paiements à moyen et long terme », je revenais sur le succès de notre rencontre annuelle, et j’évoquais une question clé : « Quelle est la Stratégie européenne des paiements que nous suggérons et attendons ? », en précisant : « Aujourd’hui, avec les annonces américaines, l’Europe se retrouve au pied du mur. Elle doit construire en urgence une nouvelle stratégie dans les paiements, qui répondent à ces nouveaux défis », et j’évoquais trois objectifs :
- D’abord, bien fixer le cap à moyen et long terme
- Ensuite, innover et disposer des infrastructures techniques
- Enfin, bien organiser.
Dans celui de juin 2025, intitulé « Les nœuds gordiens de la Souveraineté dans les paiements », je tentais de clarifier la notion de Souveraineté, et les questions adjacentes,
- Quelles sont les places respectives des solution européennes et internationales dans les paiements courants en Europe ?
- Quelle est la nécessité d’infrastructures de paiements européennes et quelle est la place des infrastructures internationales disponibles en Europe ?
- Quelles sont les places respectives des monnaies centrales et des monnaies commerciales dans le paysage des paiements de détail ?
Et de façon plus générale, quels sont les ajustements nécessaires des règles de concurrence en Europe au vu de l’évolution du contexte international ?
Dans mon article de novembre 2025, intitulé « La Souveraineté européenne dans les paiements : un concept à clarifier et une stratégie à développer », j’indiquais en conclusion :
« C’est donc toute la Stratégie européenne des paiements qu’il faut revoir et compléter, non pour remettre en cause les progrès indubitables réalisés en Europe,… mais pour développer cette stratégie et l’étendre à tous les compartiments des paiements, … ainsi qu’aux autres infrastructures européennes de paiement, … et pour bénéficier du soutien des autorités publiques, notamment de l’Eurosystème et de la BCE. »
Donc le concept de souveraineté est à clarifier et cette stratégie doit avoir une vision à long terme, j’avais évoqué à 10 ans, et donc conduire à une révision de la Stratégie européenne de 2020.
Ainsi, onze grandes entreprises européennes, dont cinq françaises, se sont réunient pour pousser l’Union européenne à définir clairement le concept de « cloud souverain » et à instaurer une politique de préférence européenne pour l’achat public lorsqu’il question du traitement de données sensibles.
Et l’initiative engagée entre plusieurs pays européens (La France, les Pays-Bas, l’Allemagne et l’Italie) pour créer l’EDIC (European Digital Infrastructure Consortium), un « consortium européen destiné à concevoir et gérer des infrastructures numériques communes (logiciels collaboratifs, cloud, IA, cybersécurité, géomatique… ) » relance la dynamique européenne en matière de recherche de souveraineté, et donne un soutien et une orientation aux actions déjà engagée, comme Wero ou euroPA, ou qui pourraient être engagées au plan européen dans les paiements.
Enfin, le grand débat sur les solutions de paiement numérique fondées sur les DLT, engagé au plan européen avec le règlement MiCA, le projet de l’Eurosystème d’émettre un euro numérique, le déploiement de Stablecoins et de Deposit Tokens en euros, relance la question des cryptopaiements, sur laquelle FRANCE PAYMENTS FORUM travaille depuis 2020, avec un glossaire et un document de position, qui font l’objet d’une actualisation en cours.
J’y reviens dans mon éditorial de décembre 2025 intitulé « Open the gate » qui tente de tracer les contours d’n scénario de place consensuel pour la souveraineté, et l’innovation dans les paiements en Europe.
Et notre évènement du 11 décembre prochain, intitulé « La souveraineté et l’innovation des paiements en Europe : L’indispensable consensus », y reviendra largement.
FRANCE PAYMENTS FORUM poursuivra son action inlassable pour une Europe souveraine, compétitive, et innovante des paiements numériques.
[1] Cf. https://www.francepaymentsforum.eu/les-infrastructures-europeennes-de-paiement/
[2] Cf. https://www.francepaymentsforum.eu/la-strategie-europeenne-des-paiements-a-moyen-et-long-terme/
[3] Cf. https://www.francepaymentsforum.eu/les-noeuds-gordiens1-de-la-souverainete-dans-les-paiements/
[4] Qui sera publié dans le numéro de décembre du Magazine des Professions Financières et de l’Economie
[5] Cf. https://www.francepaymentsforum.eu/lexigence-de-lintegration-du-marche-europeen-des-paiements/


