Synthèse de la table Ronde du GT cryptopaiements à l’occasion des 10 ans de FPF.
Animée par Michel KHAZZAKA (Fondateur de Valuechain consulting), cette table ronde réunissait Hervé SITRUK (Président-Fondateur de France Payments Forum), Nicolas KOZAKIEWICZ (Chief Innovation Officer, Wordline), Nicolas de SEZE (Directeur Général honoraire, Banque de France) et Hubert de VAUPLANE (Partner, Kramer-Levin).
Michel KHAZZAKA a présenté les travaux du GT cryptopaiements puis une rétrospective de l’évolution des cryptopaiements
Les travaux du GT cryptopaiements
Créé en avril 2020 avec pour mission d’étudier les impacts et les opportunités de la révolution fondatrice de blockchain sur l’écosystème des paiements, le GT Cryptopaiements de France Payments Forum a notamment :
- Élaboré un glossaire des cryptopaiements, publié en novembre 2020 et qui fait toujours référence en la matière en langue française.
- Assuré une fonction de veille, à la fois sur les projets privés (stablecoins, web3, DeFi, acceptation des paiements en crypto) et sur les projets de monnaie numérique de banque centrale (MNBC).
- Contribué aux réponses de France Payments Forum aux consultations publiques de la BCE et de la Commission européenne sur l’euro numérique
- Publié deux documents de position (position papers): l’un sur L’opportunité et les enjeux d’une monnaie numérique pour l’Europe des Paiements, publié à en mars 2022 à l’occasion des Rencontres France Payments Forum ; l’autre sur le projet de règlement MiCA (Markets in Crypto Assets), publié le 30 juin 2022 à l’occasion de cet anniversaire des dix ans de France Payments Forum.
Rétrospective de l’évolution des cryptopaiements
L’évolution des cryptopaiements peut se résumer en trois phases :
- Première phase : le Bitcoin et sa promesse de paiement pair à pair sans tiers de confiance, promesse qui a du mal à se matérialiser en cryptopaiements mais qui reprend de l’espoir avec Lightning. Cette première phase a surtout donné naissance aux blockchains publiques et à la mouvance du Web3.
- Deuxième phase : l’introduction des stablecoins et surtout le projet LIBRA/DIEM de global stablecoin, qui a poussé les autorités publiques à lancer des programmes de MNBC et des projets de règlementation des crypto-actifs.
- Troisième phase: un certain nombre d’acteurs des paiements tels que PayPal ou Coinbase se sont saisis des stablecoins pour les paiements scripturaux (crypto-to-fiat ou crypto-to-crypto). Mais on a aussi vu émerger des projets de monnaie numérique de banque commerciale tels que le JPMorgan Coin.
Même si l’industrie mondiale des cryptopaiements est encore en balbutiement, c’est une tendance de fond. Selon une étude de KPMG et de l’ADAN publiée en février 2022, le taux d’adoption des cryptoactifs a bondi ces 2 dernières années pour atteindre 8% des français en 2021 (37% ayant l’intention d’en acquérir en 2022). Par comparaison, ces taux sont de 16% aux États Unis et 26% au Canada.
Selon une étude menée par The Economist dans onze pays, 37% des consommateurs attendent de leur gouvernement ou de leur banque centrale qu’ils donnent officiellement cours légal à certains cryptoactifs sur blockchain ainsi qu’aux MNBC, et une majorité s’attend à ce que les cryptopaiements deviennent courants dans 3 à 5 ans. Selon une autre étude de Deloitte plus de 85% des commerçants et des consommateurs ont déclaré que les cryptomonnaies ainsi que la MNBC sont des moyens de paiements nécessaires pour eux. MasterCard, Visa, Paypal, même Apple Pay multiplient les annonces.
Tout ceci montre que les cryptopaiements ne se réduisent pas au Bitcoin, d’où l’importance des travaux du GT cryptopaiements de France Payments Forum.
Hervé SITRUK a présenté le mix de cultures qui caractérise le GT cryptopaiements puis les grandes lignes des deux documents de position publiés par le GT
Le mix de cultures qui caractérise le GT cryptopaiements
- La culture des acteurs des cryptos, des blockchains et de la DLT, parfois impatients de voir ce marché se développer, et dont le vocabulaire ou les objectifs peuvent sembler trop disruptifs à l’égard du monde des paiements existant.
- La culture plus traditionnelle des acteurs du paiement, y compris bancaire, pas toujours bien au fait du vocabulaire et des évolutions de ce monde créatif nouveau, de ses pratiques, mais qui cherchent à faire coexister le monde du scriptural et le monde naissant des cryptos.
- La culture des acteurs réglementaires et des banques centrales.
Au sein du GT, tout le monde se parle et essaie de s’écouter, ce qui n’est pas aisé, car les cultures sont différentes. Mais, il est très important que ce dialogue ait lieu, pour essayer de faire surgir une logique commune dans l’intérêt de tous.
Grandes lignes du position paper sur l’opportunité et les enjeux d’une monnaie numérique pour l’Europe des paiements
France Payments Forum est favorable au développement d’une industrie européenne des cryptopaiements. Mais pour y parvenir, il faut combiner trois cultures : celle des innovateurs, qui, comme dit Schumpeter, font de la destruction créatrice ; celle des banques et des opérateurs de paiement, qui assurent aujourd’hui le fonctionnement des systèmes de paiement opérationnels, et celle des banques centrales.
Pour France Payments Forum, la monnaie numérique ne peut se réduire à l’indispensable monnaie numérique de banque centrale ou aux stablecoins : il faut faire coexister, à moyen et long terme, une monnaie numérique privée de type stablecoin, une monnaie numérique de banque centrale et une monnaie numérique commerciale bancaire.
Aujourd’hui, la vague des acteurs des cryptos pousse à l’émission de nouvelles formes de monnaies qui relèvent des monnaies électroniques. Les banques centrales réagissent et proposent leur monnaie numérique centrale. Et les acteurs bancaires sont engagés dans la digitalisation de toutes les activités bancaires (y compris dans les paiements) et ne peuvent faire face à ce nouveau défi.
Il faut donc éviter de remettre en cause cette importante évolution des systèmes scripturaux vers le digital, ce qui signifie que l’opportunité ou l’urgence d’une monnaie numérique de banque centrale de détail n’est pas démontrée, même si elle est incontournable à moyen et long terme. Les banques doivent réfléchir aux moyens de faire naitre à moyen et long terme une monnaie numérique commerciale et envisagent un « double rail », même si le premier, le rail scriptural digitalisé, continuera longtemps à représenter l’essentiel des paiements courants.
France Payments Forum est favorable à une monnaie numérique centrale de gros (wholesale) qui permettrait à la fois de donner une masse critique à la monnaie numérique centrale en démarrant avec les acteurs professionnels, afin de créer une compétence en la matière, dans les banques centrales et sur tout le marché, et d’offrir une première réponse aux monnaies numériques internationales et aux global stablecoins.
Enfin, France Payments Forum souhaite que la Commission européenne, avec l’aide de tous, et principalement des banques centrales et des banques commerciales, élabore un scénario de création des diverses monnaies numériques.
Grandes lignes du position paper sur le projet de règlement MiCA
Les positions de France Payments Forum peuvent se résumer en quatre points :
- L’émergence de monnaies numériques centrales et commerciales européennes est un atout pour l’Europe des paiements et devrait permettre de développer un réel marché des cryptopaiements en Europe.
- L’émission de monnaies numériques centrales et commerciales européennes doit relever d’acteurs règlementés (banques centrales, banques, EPAME) ou d’un nouveau statut d’émetteur proche des précédents en termes de garanties et de supervision.
- Les usages de cryptoactifs en adossement de paiements doivent relever soit de la logique du Delivery vs Payment, soit des Directives européennes sur la monnaie électronique pour les stablecoins.
- Les global stablecoins doivent être strictement réglementés, de préférence au niveau du G20 (ou à défaut du G7) car ils constituent une menace pour la stabilité financière internationale, du fait de l’impossibilité de contrôler au plan mondial leur réel adossement à des actifs sûrs.
On peut en déduire quelques principes fondateurs :
- Responsabilité des acteurs : pas de liberté économique sans responsabilité et sanctions proportionnées.
- Équité on ne met pas sur le même pied le grand investisseur et le petit épargnant ou bien les Big Techs et les petites Fintechs.
- Encourager en priorité les projets « porteurs » qui favorisent le développement d’une industrie européenne.
- Contrebalancer la faiblesse des innovateurs soit par un marché financier qui sait prendre des risques (ce qui manque cruellement en Europe) soit par une « avance sur recette » comme dans le domaine de la création artistique.
- Proportionner la politique de gestion des risques aux risques générés, donc à la classification des acteurs selon qu’il s’agit de Fintechs naissantes ou de structures innovantes stabilisées depuis plusieurs années, ou encore de Big Techs, ou d’ICS.
- Veiller à ce que la conformité à la réglementation ne conduise ni à l’expatriation des innovateurs vers des pays moins scrupuleux, ni à favoriser les acteurs en place à même d’en payer le prix. Il faut donc accompagner les innovateurs sur le chemin de la conformité.
Le projet de règlement MiCA est une chance pour l’Europe numérique. Il doit être amendé et surtout complété par une composante de soutien financier et un accompagnement de conformité pluriannuel des jeunes « pousses » innovantes. Le vrai défi est là : aider une très jeune industrie européenne des cryptoactifs et des cryptopaiements à se développer, mais sans céder sur les principes clés.
Nicolas de SEZE a présenté un aperçu des travaux sur les monnaies numériques de banque centrale (MNBC)
Selon le « CBDC Project Index » tenu à jour par la BRI, au début de 2022, 68 banques centrales faisaient état de travaux sur la MNBC, dont 28 étaient en phase d’expérimentation pilote (dont la Banque Populaire de Chine et la Banque de Suède) et 3 étaient en phase opérationnelle (Bahamas, Nigeria et Caraïbes Orientales).
Certaines banques centrales s’étaient initialement concentrées sur la MNBC de gros (wholesale CBDC). C’est par exemple le cas :
- De la BCE et de la Banque du Japon, avec leur projet STELLA, lancé en 2016,
- De l’Autorité monétaire de Singapour avec son projet UBIN, lancé en 2016,
- De la Banque du Canada, avec son projet JASPER, lancé en 2016,
- De la Banque de Thaïlande avec son projet INTHANON, lancé en 2018.
D’autres banques centrales se sont dès l’origine concentrées sur la MNBC de détail (retail CBDC), les deux exemples les plus emblématiques étant (a) la Chine, confrontée à une croissance exponentielle des paiements par mobile et dont les travaux ont débuté dès 2014, et (b) la Suède, confrontée à une forte baisse de l’utilisation du cash et dont les travaux ont débuté en 2017.
Mais l’annonce, en juin 2019, du lancement par Facebook de son projet Libra (devenu Diem) a constitué un wake-up call qui a conduit à pousser les feux sur la MNBC de détail. C’est ainsi que début 2020, sept grandes banques centrales ont créé, sous l’égide de la BRI, un groupe ayant pour objet de partager l’expérience de leurs travaux sur la MNBC de détail. Ce groupe a publié en octobre 2020 un premier rapport proposant en ensemble de principes fondateurs, puis en septembre 2021 trois rapports approfondissant divers enjeux de la MNBC de détail.
Parmi les banques centrales de ce groupe :
La Banque du Canada a publié depuis 2020 une série de notes d’étude et de recherche sur la MNBC de détail et annoncé en mars 2022 une collaboration avec le MIT.
La Banque du Japon a publié en octobre 2020 un rapport présentant son approche de la MNBC de détail et annonçant le lancement d’un programme d’expérimentation pilote dont la phase 1 a été conduite d’avril 2021 à mars 2022 et la phase 2 a débuté en avril 2022.
La Banque Nationale Suisse a publié en 2021 plusieurs études sur la MNBC de détail, tout en menant des travaux sur la MNBC de gros avec le projet Helvetia (en collaboration avec la BRI) et le projet Jura (en collaboration avec la BRI et la Banque de France).
La Banque de Suède a engagé début 2020 un programme d’expérimentation pilote dont la troisième phase a débuté en avril 2022. Dans son communiqué publié à cette occasion, elle a toutefois souligné que « No decision has yet been taken on whether to issue an e-krona or on what technical solution or legal framework it might be based ».
La Banque d’Angleterre, qui avait lancé en mars 2020 une première consultation publique sur la MNBC de détail, a lancé en juin 2021 une deuxième consultation dont l’objet était plus large puisqu’il portait sur les « new forms of digital money », c’est-à-dire la MNBC mais aussi les « systemic stablecoins », dans un contexte où le gouvernement britannique ne fait pas mystère de son ambition de faire de la Place de Londres un « global hub for cryptoasset technology and investment ». Et la Banque d’Angleterre a indiqué qu’une troisième consultation serait lancée courant 2022.
Le cas de la FED mérite qu’on s’y arrête un peu plus longuement. En effet, la FED a longtemps été perçue comme peu allante, l’idée étant qu’il n’y a pas besoin d’une MNBC de détail aux États-Unis car (a) le système de paiement américain est en cours de modernisation avec le projet FedNow de paiement instantané et (b) une MNBC de détail soulève beaucoup de questions.
Toutefois, en mars 2021, le Parlement américain a adopté un « CBDC Study act » invitant la FED à intensifier ses travaux sur la MNBC, notamment pour des motivations géopolitiques. En janvier 2022, la FED a lancé une consultation publique sur la base d’un discussion paper très didactique mais délibérément non-prescriptif, appelant de ses voeux une large concertation. Cette consultation a suscité plus de 2 000 réponses, dont certaines frontalement opposées, comme l’illustre celle de l’American Bankers Association: “we do not see a compelling case for a CBDC in the United States today”.
En mars 2022, le Président américain Joe Biden a signé un Executive Order soulignant l’urgence des travaux sur la MNBC, notamment pour des considérations géopolitiques. Et le 17 juin, lors d’une conférence sur le rôle international du dollar, le Président de la FED, Jerome Powell, a déclaré “A U.S. CBDC could potentially help maintain the dollar’s international standing”. Affaire à suivre, donc…
La BCE a publié en octobre 2020 un rapport sur un euro numérique de détail qui a servi de base à une consultation publique. A la lumière des résultats de celle-ci, le Conseil des gouverneurs de la BCE a décidé en juillet 2021 de lancer une phase dite d’investigation de deux ans, en concertation avec les parties intéressées, notamment via le Market Advisory Group (auquel participe Nicolas Kozakiewicz).
Tout en étant activement impliquée dans les travaux conduits par la BCE sur l’euro numérique de détail, la Banque de France a lancé à l’été 2020 un programme d’expérimentations de MNBC de gros, en partenariat avec des banques centrales étrangères, des banques commerciales, des gestionnaires d’infrastructures de marché et des Fintechs. Ce programme a montré comment une MNBC de gros peut sécuriser le développement de marchés financiers tokenisés, en permettant le traitement de bout en bout sur registre distribué des processus de règlement-livraison de titres tokenisés et de paiement contre paiement tout en bénéficiant d’un règlement en monnaie de banque centrale.
Fin mai 2022, la BCE a lancé une consultation sur l’opportunité de lancer une MNBC de gros, en plus d’une MNBC de détail. France Payments Forum, qui comme Hervé Sitruk l’a indiqué plus haut, est favorable à une MNBC de gros, a répondu avec grand soin à cette consultation.
Nicolas KOZAKIEWICZ a présenté les grandes tendances du marché européen et mondial des paiements
Nous sommes à la vieille de changements radicaux dans le paiement. Tout comme certains autres écosystèmes ont été bousculés par l’arrivée d’internet, le monde de la banque et de la finance vit actuellement sa révolution.
Toute révolution n’est pas mauvaise (le mot « évolution » est dans révolution), mais comme tout changement, elle ne se passe pas sans heurts, ni sans enjeux. La cause en est technologique : la Blockchain. La raison est financière, ou systémique : la nouvelle technologie permet de faire à moindre coût ce que la précédente permettait et, surtout, elle apporte une sécurisation des transactions, notamment une traçabilité et une programmabilité dont on ne dispose pas à l’heure actuelle au plan international.
Il faut donc redistribuer les cartes, gérer les nouveaux arrivants et organiser la coexistence entre les pratiques anciennes, les pratiques plus récentes car digitales également, et les pratiques nouvelles encore non stabilisées. Il faut aussi réglementer ces changements. Par définition, une réglementation ne couvre pas la nouveauté technologique mais ses usages et ses effets pervers.
C’est l’époque où tous les rêves sont permis, où toutes les opportunités se créent, où beaucoup de pièges se déploient. Des mirages se dessinent à l’horizon, souvent pour perdre ceux qui y croient trop naïvement, sans recul et sans analyse.
Les grandes caractéristiques de ces évolutions et les grandes tendances du marché européen et mondial peuvent se résumer comme suit :
Les paiements existent déjà
Même si une nouvelle technologie arrive, il faut maintenir le service pendant la transition. Prenons l’exemple des véhicules : il y a des stations-services partout, mais il faut déployer aussi des points de recharge pour les véhicules électriques. C’est un peu plus compliqué que de juste mettre des prises électriques dans les stations-services, car une technologie de remplacement peut être foncièrement différente de celle d’origine dans sa fourniture et dans son usage :
- Les fournisseurs de pétrole ne sont pas forcément les fournisseurs d’électricité, et vice-versa.
- Le temps de « remplissage » d’un réservoir n’est pas celui de la charge d’une batterie.
- Il avait fallu créer des stations-services sur tout le territoire car tout le monde n’a pas une cuve de pétrole dans son logement pour des raisons de sécurité… alors que tout le monde a une prise électrique chez soi
Un changement de technologie pour un service donné peut donc impliquer un changement radical de modèle de fonctionnement. On doit aussi assurer la continuité de service pendant toute la durée de migration, ce qui implique d’avoir en parallèle deux systèmes différents mais interconnectés. Et Il faut également monitorer l’usage : l’existant voit son activité se réduire au profit de son remplaçant… à une certaine allure.
Pour le paiement c’est exactement pareil : aujourd’hui, des moyens de paiement efficaces sont en place, principalement de compte bancaire à compte bancaire (cartes, A2A, Instant Payment, et même les chèques) ; les nouveaux moyens de paiement, qui sont dans notre environnement depuis déjà de nombreuses années, voient leur usage progresser d’année en année, avec un tremplin d’usage dû au Covid. Du côté du payeur, il y a l’ATM, la carte, le chèque, le wallet… ; du côté du payé, il y a la caisse, la gestion des chèques, le terminal…
Pour offrir une vraie migration sans accroc, il faut donc maintenir à la fois le service actuel et les futurs services. On voit bien sûr une certaine convergence des usages, avec les mobiles, les QR codes ou le NFC, à la fois côté payeur et payé. Côté transactions, on parle bien sûr de volumes annuels considérables, avec des temps de processing très faibles et une sécurité toujours plus haute.
Les grandes tendances du marché des paiements
- Un changement de business model dans le paiement de détail, avec un probable passage du paiement à l’usage vers une souscription, comme l’ont connu les Télécoms.
- Une arrivée massive de nouveaux entrants, due à l’abaissement de la barrière technologique à l’entrée.
- Une interconnexion plus naturelle et efficaces des divers moyens de paiement, de gros et de détail, vers un usage 24/7
- Une ouverture de certains services « de gros » vers un public plus large, comme un accès à certains produits financiers non disponibles aisément de nos jours
- Un passage, dans le paiement de détail, vers des modes de paiement prépayés, plutôt que post payés (ici aussi, comme l’ont connu les Télécoms)
- Une intégration naturelle vers d’autres services digitaux permettant la programmabilité, le déport d’autorisation de paiement (ma voiture « paye » pour moi), la gestion de l’identité, la gestion des assurances paiement …
En conclusion : « France Payments Forum souhaite contribuer à la création d’un marché européen dynamique et d’une industrie européenne des cryptopaiements, à côté de la poursuite de la digitalisation des paiements scripturaux. La vie sourit aux audacieux. Quelle belle époque pour oser le renouveau du paiement ! »
Hubert de VAUPLANE a résumé les principaux enjeux du projet de règlement MiCA
Les points d’attention sur MiCA tournent autour des stablecoins, que ce soit sous forme d’electronic money tokens ou d’asset-referenced tokens. L’un de points qui reste en discussion est de savoir si les asset-referenced tokens (qui ont comme sous-jacent plusieurs monnaies légales ou des actifs autres que des monnaies légales) devraient être autorisés (ou ne pas être autorisés) au-delà d’un certain montant d’émission. Il y a une tendance à restreindre le recours à certains actifs sous forme de stablecoins pour des raisons de stabilité et de souveraineté).
Tout récemment Circle, l’un des principaux acteurs américains en matière d’émission de stablecoins (notamment émetteur de l’USDC), a émis un stablecoin européen appelé Euroc. Le fait que des acteurs américains se lancent dans des émissions de stablecoins alors qu’il n’y a pas d’acteurs européens pour faire de même (du moins de manière aussi importante) est dû aux incertitudes autour de MiCA et aux limitations que pose MiCA.
C’est un sujet de préoccupation car la capitalisation des marchés d’actifs numériques est globalement de l’ordre de 160 milliards de dollars, à comparer aux 42 millions de dollars de stablecoins euro émis par Tether. En d’autres termes, 99% de la capitalisation des stablecoins est libellée en dollar et quasiment rien en euro. En outre, on voit que ce sont des émetteurs non-européens (notamment américains) qui émettent des stablecoins en euro.
On se trouve donc dans une situation paradoxale où, à force de vouloir encadrer les émissions de stablecoins, on aura des émetteurs autres qu’européens, ce qui soulèvera des questions non seulement de stabilité mais aussi de souveraineté. Dans l’attente de la mise en œuvre de MiCA (qui ne sera pas immédiate), ce sont les émetteurs américains qui vont prendre des parts de marché.
Il faut de la concurrence entre les divers types de monnaie : il ne peut pas y avoir un seul type de monnaie ou une seule forme représentative de la monnaie. Nous avons aujourd’hui la monnaie scripturale et la monnaie fiduciaire et nous aurons demain de la monnaie digitale ; nous avons la monnaie de banque centrale et la monnaie de banque commerciale. De la même manière, il est important d’avoir des stablecoins dans des usages différents, notamment dans les opérations de marché. Les cas d’usage qui ont fait l’objet des expérimentations de la Banque de France, ont bien montré qu’il y a besoin d’un euro digital, sous forme de monnaie légale ou de stablecoin.
L’un des enjeux majeurs de MiCA est donc la réglementation des stablecoins (asset-referenced tokens et electronic money tokens), avec derrière la question de savoir dans le détail quelle réglementation on va leur appliquer, puisque MiCA les assimile à de la monnaie électronique, ce qui conduit à leur appliquer les même règles qu’à la monnaie électronique avec toutefois des différences que l’on ne connaît pas encore, puisqu’il faudra attendre les règlements de niveau 2 et les RTS de l’Autorité Bancaire Européenne.