Dans son discours d’ouverture de la conférence organisée par l’ACPR le 4 décembre 2019 sur le thème de l’innovation, François Villeroy de Galhau, Gouverneur de la Banque de France, a centré son propos sur l’innovation dans les paiements et fait à cette occasion quelques annonces marquantes concernant notamment la création éventuelle d’une monnaie digitale de banque centrale (MDBC).

Le Gouverneur a tout d’abord souligné les défis associés au foisonnement d’initiatives privées dans le domaine des paiements :

  •  la digitalisation des paiements scripturaux a été favorisée par la montée en puissance d’acteurs non bancaires, de sorte que le « centre de gravité » des paiements se déplace vers ces nouveaux acteurs (notamment les BigTechs), ce qui constitue à la fois un défi pour le modèle économique des banques et un enjeu de souveraineté pour l’Europe ;
  • l’émergence d’une nouvelle génération de crypto-actifs, les stablecoins, qui pourraient apporter une solution aux paiements transfrontières encore trop chers et trop lents, mais qui, du fait de leur vocation mondiale, seraient générateurs de risques importants.

Il a ensuite présenté la réponse des banques centrales à ces défis, réponse qui repose sur deux piliers : garantir la confiance ; soutenir l’innovation.

Garantir la confiance

Dans son rapport publié en octobre 2019 (« investigating the impact of global stablecoins« ), le groupe de travail G7 animé par Benoît Coeuré a procédé à une évaluation complète des risques associés aux stablecoins ; sur cette base, le Conseil de stabilité financière (FSB) prépare d’ici l’été 2020 une réponse réglementaire coordonnée à ces enjeux.

Soutenir l’innovation

Le Gouverneur a tout d’abord salué l’initiative des banques européennes avec leur projet PEPS-I (Pan European Payment Solution Initiative) et assuré que l’Eurosystème saura apporter à celui-ci tout le soutien nécessaire.

Il a ensuite abordé la création éventuelle d’une monnaie digitale de banque centrale (MDBC), soulignant que « nous, banques centrales, devons et voulons saisir cette injonction à l’innovation alors que les initiatives privées et la technologie accélèrent et que la demande publique et politique s’amplifie. D’autres pays ont ouvert la voie : à nous désormais d’apporter notre pierre à l’édifice de façon ambitieuse et méthodique ».

Pour ce faire, l’organisation de la Banque de France sera modifiée, l’actuelle Direction de la surveillance des paiements et des infrastructures de marché  (DSPM) devenant la Direction des infrastructures, de l’innovation et des paiements (DIIP). La DIIP, appuyée sur le Lab de la Banque de France, travaillera avec des innovateurs privés de la Place ; un appel à projets sera lancé d’ici à la fin du premier trimestre 2020, l’objectif prioritaire étant de « participer à des expérimentations d’une MDBC « de gros » dans des procédures innovantes d’échange et de règlement d’actifs financiers tokenisés »

Le Gouverneur a poursuivi en évoquant les finalités d’une MDBC, ses formes et ses modalités de diffusion.

  • Les finalités d’une digitalisation de la monnaie de banque centrale sont (1) la volonté, dans des pays comme la Suède où l’utilisation des espèces est en fort déclin, de garantir l’accès des citoyens à la monnaie de banque centrale, notamment ; (2) les gains d’efficacité, la réduction des coûts d’intermédiation et la robustesse potentiellement générés par la « tokenisation » de la monnaie centrale dans les activités de règlement et de post-marché ; (3) la finalité la plus importante, pour les autorités politiques, étant  que « la mise en place d’une MDBC nous permettrait de disposer d’un puissant levier d’affirmation de souveraineté face aux initiatives privées telles que Libra. C’est d’ailleurs l’une des préoccupations mises en avant par la Banque centrale chinoise dans son projet de Digital Currency Electronic Payment (DCEP)« .
  • Quelle forme donner à la MDBC ? Deux usages différents de MDBC pourraient à terme se côtoyer une MDBC « de gros » (wholesale), destinée aux paiements entre acteurs du secteur financier et utilisant la blockchain et toutes ses possibilités ; une MDBC « de détail » (retail) , destinée au public, plus simple te mieux à même de traiter les opérations de masse.
  • S’agissant enfin des modalités de diffusion d’une MDBC, plus particulièrement d’une MDBC de détail, elles devront faire l’objet d’une vigilance particulière, notamment son statut légal et ses conditions de détention. A cet égard, le Gouverneur souligne que « grâce à un savoir-faire éprouvé en matière d’instruments de paiement, de connaissance de la clientèle et de suivi des transactions, les intermédiaires financiers pourront jouer un rôle de vigie, aux avant-postes de la distribution de la MDBC« .

 Lien vers le texte du discours du gouverneur